Nos miels voyagent.
Ils quittent nos villages, nos pistes rouges, nos collines et nos forêts pour aller se poser sur des tables que nous ne connaissons pas.
Comme des oiseaux migrants qui gardent au fond d’eux le parfum du pays, ils portent avec eux la main du paysan, la patience du récoltant, la bénédiction de nos arbres et de nos saisons.
Et pourtant…
La vérité, celle que chacun connaît quand il racle le dernier filet de miel au fond du seau, c’est que la rentabilité n’est pas encore au rendez-vous.
On travaille dur, on entretient les ruches sous le soleil brûlant, on affronte les fourmis, la sécheresse, le vent, et malgré tout, les comptes ne sourient pas encore.
On compte les pots comme on compte les pluies : avec espoir, mais aussi avec cette inquiétude têtue qui revient chaque année — « Est-ce que ça va tenir pour la famille ? »
Le marché n’est pas simple.
On voit arriver des miels importés, des miels trop bon marché, des miels qui ne racontent aucune histoire… et pourtant ce sont eux que les gens achètent, faute de mieux, faute de comprendre la différence.
Mais nous, apiculteurs du Togo, nous savons une chose que personne ne pourra nous enlever :
Notre miel a le goût du pays.
Le goût de la terre rouge d’Agou, le goût des fleurs de Malfakassa, le parfum des sous-bois de Fazao, la force du soleil d’Anié, la douceur des plateaux de Danyi.
Ces saveurs-là, aucune machine ne peut les fabriquer. Aucun fût étranger ne peut les imiter.
Alors oui,
il faut de la patience. Il faut de la foi dans le travail de nos mains.
Il faut cette force intérieure qui fait que, même quand le revenu tarde, nous ne renonçons pas.
Parce que nous le sentons tous, au fond :
nous sommes en train d’ouvrir un chemin.
Un chemin pour montrer que le miel togolais mérite sa place, ici et ailleurs.
Un chemin qui permettra, demain, à nos enfants d’être fiers de dire :
« Ce miel-là vient de chez nous. »
Peut-être que nous ne récolterons pas tout aujourd’hui.
Mais si nous n’avançons pas, qui le fera ?
Nous sommes ceux qui tiennent la flamme.
Et cette flamme, personne ne pourra l’éteindre.


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